lundi 4 octobre 2010

Avec les Bibliobus, les livres s’ouvrent sur la campagne

Lecture | Depuis 50 ans, les bibliothèques mobiles parcourent le canton. Reportage à Puplinge.

HÉLÈNE MARTINEZ | 28.09.2010 | 00:00

© Olivier Vogelsang | Le Bibliobus, une bibliothèque itinérante dans les communes du canton de genève.

«Lire, un itinéraire sans frontière». Voilà de quoi est estampillé chaque Bibliobus posté devant le dépôt de l’avenue de Châtelaine. Vendredi, il est 14 h lorsque l’un d’eux est sur le point de prendre la route de sa tournée quinzomadaire à Puplinge. Françoise Delapierre, responsable des Bibliobus, et Daniel Masset, bibliothécaire et chauffeur, se préparent pour l’après-midi.

Ici, rien n’est informatisé. On vérifie manuellement les boîtes de commandes, on charge les ouvrages que les Puplingeois ont réservés. Comme dans un poids lourd, Daniel annote le disque qu’il appelle le «mouchard», destiné à contrôler les déplacements et horaires. Dans le même temps, Françoise cale les livres sur les étagères de façon à ce qu’ils restent en place pendant le trajet. La bibliothèque ambulante est fin prête.

Une image d’Epinal
«Les Bibliobus vont à la rencontre des gens au lieu de les attendre. C’est s’inviter chez eux, finalement» suggère Françoise. «Le bus est parfois le dernier lieu d’échange d’un village. C’est un rendez-vous», renchérit Daniel. Force est d’apprécier le lien social qu’appelle le concept d’itinérance.
Uniquement en service dans le centre-ville de Genève auparavant, le Bibliobus s’est plus tard reconverti dans les communes du canton dépourvues de bibliothèques fixes. Ces tournées sont hors du temps. Sur la route de Puplinge, au volant de son autocar, Daniel salue untel ou untel. C’est le passage remarqué d’une institution.

Arrivé sur la place de Puplinge, le bus stationne au pied de l’église. Quelques mamans attendent la sortie des classes. Bientôt vélos et trottinettes viendront s’échouer devant le Bibliobus. Mais pour l’heure, ce sont plutôt les personnes âgées qui le fréquentent, profitant du calme avant la tempête. Dès 16 h 30, ce sera l’agitation dans l’espace confiné. Le public du Bibliobus se compose essentiellement d’«inactifs», retraités, parents au foyer et écoliers. A noter, une majorité de femmes. C’est le défilé de ceux qui ont le temps ou qui le prennent. Signe que l’intérêt pour la lecture ne périclite pas malgré la diversion qu’engendre Internet. Il suffit d’observer toute la ferveur des plus petits, qui animent les 10 mètres carrés du bus, et des plus grands, qui hésitent longuement entre deux BD.

Un lieu de rencontre
Il faut dire que le Bibliobus a de quoi ravir toutes les générations et tous les goûts. Julianne, 10 ans, se réjouit du large choix. Sa maman souligne toute l’importance que les enfants se retrouvent ici, «surtout à l’heure de l’informatique». Nombreux usagers du Bibliobus interrogés justifient l’utilité de cette prestation par le coût trop onéreux des livres et l’encombrement qu’ils représentent au fil des années.

Les bibliothécaires relèvent le vif succès des nouveautés. Les classiques sont stockés au dépôt et ne sortent que sur commande. Dans le bus, aucun ouvrage n’a plus de 5 ans, à l’exception de quelques favoris. Mais les préférences vont aussi aux guides de voyages, livres de cuisine et biographies, souvent plébiscitées par les hommes. Tania vient pour ses filles généralement, mais aujourd’hui, elle emprunte un guide de voyage: «Inutile de l’acheter, quand le voyage sera fini, je n’en aurais plus besoin et je le rendrai.» Le Bibliobus répond aussi à la demande des malvoyants, avec des livres en gros caractères.

Peut-il disparaître?
Les lecteurs sont satisfaits et le font savoir. Dans toutes les bouches, un mot revient: «Indispensable!» Et une crainte: «Qu’il disparaisse.» Une retraitée des Bibliobus continue à les fréquenter en tant que lectrice: «Il ne faudrait surtout pas que ça s’arrête.»

A l’abri de tout projet de suppression, le Bibliobus a néanmoins fait l’objet de discussions en 2009. La Ville de Genève ne souhaitait plus gérer seule ce système. Un partenariat s’est alors mis en place avec les communes, aujourd’hui réunies sous la houlette de l’Association des communes, qui cofinance la précieuse prestation.

Les habitants de Puplinge semblent tenir au Bibliobus, dont Françoise et Daniel jugent la fréquentation satisfaisante. En cette après-midi de septembre, le véhicule n’a pas désempli. «Le simple fait d’être là, et 90% du travail est déjà fait, conclu Daniel. Ensuite, il faut fournir un contenu représentatif de la production actuelle. Il s’agit d’une bibliothèque de plaisir.»


Des lecteurs témoignent
Gilbert, informaticien, et son épouse Denise, employée chez Swisscom, ne voient que des avantages au Bibliobus. Gilbert s’enthousiasme: «Le personnel est supergentil, les sélections sont intéressantes et on a la possibilité de faire des commandes. Chez nous, on ne sait plus où ranger les bouquins. J’aime le contact du livre mais je n’aime pas quand il est décoratif. Je ne conserve pas, je donne. Donc c’est la solution idéale.»

Denise est à la recherche de documents sur la santé pour sa maman. Elle remarque: «Notre fils vient lui aussi avec ses enfants dans une autre commune.»
Brigitte, 56 ans, assistante dans les ressources humaines, est «bouquineuse dévoreuse» depuis qu’elle a appris à lire: «Le Bibliobus? Indispensable!, clame Brigitte. Il me faudrait trois appartements si je devais ranger tout ce que j’ai emprunté ici. Je ne veux plus m’envahir. Sauf certains coups de cœur que j’achète parfois en me disant que celui-ci, je ne veux pas le rater.»
Brigitte poursuit: «Ici, c’est ma succursale. Je suis fidèle. Il ne faudrait surtout pas supprimer le Bibliobus. Lorsque j’arrive vers les seize heures et que je vois des enfants choisissant des BD, je me dis que c’est bon signe.»
(hm)


Chiffres

❚ 1962: premier Bibliobus à Genève.

❚ En 2010, quatre Bibliobus desservent 40 points de stationnement dans le canton. Ils disposent de 40 000 ouvrages, dont près de 4000 par véhicule.

❚ Les bibliothécaires estiment pouvoir répondre à 90% des demandes. En 2009, le Bibliobus a prêté 79 689 documents.

❚ Le budget de la Ville pour les Bibliobus est d’un million de francs par an (acquisition de documents, personnel, entretien des véhicules…), contre 20 millions pour toutes les bibliothèques de la Ville de Genève confondues.

❚ Les Bibliobus font partie des Bibliothèques municipales. L’inscription est gratuite.

❚ Fermeture annuelle de la mi-juillet à la mi-août en raison de l’insupportable chaleur dans les bus.

❚ Les bus déplorent l’absence de WC et d’équipements pour les personnes handicapées.
(hm)

http://www.tdg.ch/geneve/bibliobus-livres-ouvrent-campagne-2010-09-28

Article paru dans le quotidien suisse La Tribune de Genève, le 28-09-2010.

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